vendredi 3 janvier 2014

Château Lassègue: un bijou à Saint-Émilion

Château Lassègue, un bijou à Saint-Émilion 
ou Dix ans d’une fabuleuse alliance franco-américaine



C’est une très belle histoire: celle d’une alliance entre un vigneron français originaire de Gascogne et un ancien avocat américain de Californie. 


Nous sommes en 2003. Jess Jackson, sa femme Barbara Banke ainsi que Pierre et Monique Seillan découvrent le Château de Lassègue, une magnifique chartreuse située à deux kilomètres du célèbre village de Saint-Émilion. Ils tombent tous les quatre immédiatement amoureux de cette propriété et des vingt hectares de vignes qui l’entourent. Elle est depuis plus de deux cent cinquante ans entre les mains de la même famille, qui souhaite vendre : les deux couples achètent le domaine et dix hectares de vignes adjacentes supplémentaires viendront agrandir cette acquisition.
Jess Jackson et sa femme Barbara, avocats de profession, avaient déjà, en à peine vingt ans, bâti une entreprise viticole au succès foudroyant en Californie puis en Italie, au Chili et en Australie. Véritable visionnaire, Jess a toujours cru au terroir plutôt qu’aux marques. Dans le même temps, Pierre Seillan, brillant vigneron-œnologue qui travaillait dans le Bordelais, était tout à fait partant pour de nouvelles aventures en Californie et en Italie. L’association des deux familles commence donc sept ans plus tôt, lorsque Pierre Seillan rencontre Jess Jackson. Ce dernier lui propose de le rejoindre en Californie pour développer et créer de nouveaux vignobles sur les terres qu’ils possèdent sur les collines de la Sonoma Valley, à partir de cépages bordelais. Cela donnera les vins Vérité, en trois cuvées : La Muse, La Joie et Le Désir. Depuis ce moment, l’entente parfaite des deux hommes, leurs vision et philosophie communes sur l’élaboration des vins donneront naissance à de grands vins, aussi bien dans le comté de la Sonoma qu’en Toscane où Jess Jackson possède un vignoble. Le décès de Jess en avril 2011 ne fera que renforcer l’amitié et l’association des deux familles qui n’ont qu’un seul et même but : faire de Château Lassègue un des meilleurs vins de Saint-Émilion. Barbara Banke et ses trois enfants Katie, Julia et Christopher reprennent le flambeau que leur mari et père leur a transmis, en compagnie de Pierre et Monique Seillan et de leurs deux enfants, Nicolas et Hélène. Château Lassègue est avant tout un projet familial commun, fruit de l’alliance de deux générations.



De vieilles vignes au soleil
Précision géographique non négligeable, la région incluant le village et les vignobles fait partie du patrimoine culturel mondial de l’Unesco. Le village de Saint-Émilion, qui jouxte Lassègue, se situe sur la rive droite de la Dordogne, près de Libourne. Les vignes y sont particulièrement bien protégées du nord et exceptionnellement bien exposées sud-sud-est. Cet ensoleillement de l’ensemble des vignes de l’aube au coucher du soleil favorise une maturité homogène des raisins. Mais Lassègue possède d’autres atouts, en parfaite adéquation avec la philosophie des micro-crus si chère à Pierre Seillan. En effet, l’étude des sols à permis de relever plus d’une dizaine de sols différents et, de fait, de pouvoir répartir les différents cépages selon les types de sols « afin de les observer et de les vinifier séparément et offrir ainsi des produits fins et de grande qualité » précise Pierre Seillan. L’encépagement est constitué de 60 % de merlot, 35 % de cabernet franc et 5 % de cabernet sauvignon. L’âge moyen des vignes du domaine – quarante à soixante ans – en fait de vieilles vignes qui captent mieux les messages de la terre grâce à leurs racines profondes. Pierre Seillan ajoute : « Ces vieux ceps de vigne, qui ne produisent que quelques grappes de raisin, offrent généreusement tous les sucs de la terre et expriment à leur apogée l’expression des cépages de Saint-Émilion ».
Le perfectionnisme dont fait preuve Pierre Seillan ne s’arrête pas là : l’élevage en barriques est un travail d’orfèvre, tant et si bien qu’il sélectionne lui-même les meilleurs bois français de la méranderie (fabrique de tonneaux) de Jess Jackson pour l’élevage des vins de Lassègue, et contrôle les phases de séchage et de chauffe adaptées à chacun des différents lots. Dans le chai, les barriques ne portent pas de noms de tonneliers mais des noms de forêts ! Luxe ultime, Seillan a eu le choix entre quinze forêts différentes et dix protocoles de chauffe exclusifs. La philosophie innovante des micro-crus que Pierre Seillan a affinés en Californie a également influencé ses techniques délicates d’assemblage à Lassègue. Et il est le seul vigneron qui utilise cette pratique à Bordeaux. Cela lui permet d’isoler chaque zone et parcelle du vignoble en fonction du type de sol et de cépage, optimisant ainsi la richesse et la complexité du vin.
Vous l’aurez compris, Pierre est un homme de la terre et tout doit être fait pour respecter ce qu’elle doit donner. Il faut faire confiance à la nature et, jusqu’à présent, il ne s’est pas trompé : les vins de Château Lassègue sont appréciés dans le monde entier grâce à l’incroyable énergie déployée par son épouse Monique, qui se partage entre la Sonoma Valley et Saint-Émilion, comme un oiseau. Cette superbe affaire de famille est assurée de perdurer grâce à l’implication des enfants, bien déterminés à prendre soin de ce joyau. Dix ans et déjà tant de transformations et de résultats accomplis ! Souhaitons une très longue vie à cette histoire franco-américaine.





Une longue histoire à Saint-Émilion
 Louis XVI disait de Saint-Émilion que c’était le « Nectar des dieux » mais l’histoire de ce grand vin est bien antérieure au XVIIIe siècle. Elle remonte au IIe siècle, lorsque le général romain Marcus Licinius Crassus, lieutenant de César, apporta de Rome des vignes à cultiver. Par la suite, au IVe siècle, le poète et homme d’État Decimius Magnus Ausonius (qui donnera plus tard son nom au célèbre Grand Cru Château Ausone), propriétaire de 40 hectares de vignes, rédigea les premiers commentaires sur le vin de la région.
Au VIIIe siècle, un moine bénédictin nommé Émilian arrive au lieu dit plateau de Pavie, où il se fait connaitre par sa grande bonté et les miracles accomplis sur la population de la région. Devenu ermite, il vécut dans des grottes de calcaire sous l’église monolithique construite en son honneur. Après sa canonisation, l’église et le village prennent son nom : Saint-Émilion.
La « Jurade », confrérie des vins de Saint-Émilion, fut créée à la fin du XIIe siècle afin de gouverner la région et de superviser la qualité de production des vins. Un vin de qualité recevait Le Grand Sceau de la Jurade, tandis que les vins ne remplissant pas les critères choisis étaient détruits. Aujourd’hui encore, la Jurade garde un rôle de confrérie autour du vin, avec pour mission de protéger l’agriculture et la production viticole de la région. L’AOC Saint-Émilion a été établi en 1930 et le premier classement des châteaux date de 1955 (cent ans après le classement des médocs de 1855). Le classement a lieu à nouveau tous les dix ans, le plus récent date de 2012.
La production viticole au Château Lassègue date, elle, au moins du XVIIe siècle lorsque la famille Belliquet reçut une concession de terrain du roi Louis XIV. « La Sègue », qui signifie aussi petite forêt, était un clin d’œil à la colline boisée à l’extrémité de la propriété des Belliquet, située le long d’une arête.
En 1738, la propriété est acquise par Jean Taillande, qui construit le château et donne son nom au domaine. Les bâtiments viticoles et la résidence avec sa façade à doubles tours ont été construits dans le style chartreuse du XVIIe siècle.

Patricia Courcoux Lepic




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