Château Lassègue, un bijou à Saint-Émilion
ou Dix ans d’une fabuleuse alliance franco-américaine
C’est une très belle histoire: celle d’une alliance entre un
vigneron français originaire de Gascogne et un ancien avocat américain de
Californie.
Nous sommes en 2003. Jess Jackson, sa femme Barbara Banke
ainsi que Pierre et Monique Seillan découvrent le Château de Lassègue, une
magnifique chartreuse située à deux kilomètres du célèbre village de Saint-Émilion.
Ils tombent tous les quatre immédiatement amoureux de cette propriété et des
vingt hectares de vignes qui l’entourent. Elle est depuis plus de deux cent
cinquante ans entre les mains de la même famille, qui souhaite vendre :
les deux couples achètent le domaine et dix hectares de vignes adjacentes supplémentaires
viendront agrandir cette acquisition.
Jess Jackson et sa femme Barbara, avocats de profession, avaient
déjà, en à peine vingt ans, bâti une entreprise viticole au succès foudroyant
en Californie puis en Italie, au Chili et en Australie. Véritable visionnaire,
Jess a toujours cru au terroir plutôt qu’aux marques. Dans le même temps,
Pierre Seillan, brillant vigneron-œnologue qui travaillait dans le Bordelais,
était tout à fait partant pour de nouvelles aventures en Californie et en
Italie. L’association des deux familles commence donc sept ans plus tôt,
lorsque Pierre Seillan rencontre Jess Jackson. Ce dernier lui propose de le
rejoindre en Californie pour développer et créer de nouveaux vignobles sur les
terres qu’ils possèdent sur les collines de la Sonoma Valley, à partir de
cépages bordelais. Cela donnera les vins Vérité,
en trois cuvées : La Muse, La Joie et Le Désir. Depuis ce moment,
l’entente parfaite des deux hommes, leurs vision et philosophie communes sur
l’élaboration des vins donneront naissance à de grands vins, aussi bien dans le
comté de la Sonoma qu’en Toscane où Jess Jackson possède un vignoble. Le décès
de Jess en avril 2011 ne fera que renforcer l’amitié et l’association des deux
familles qui n’ont qu’un seul et même but : faire de Château Lassègue un
des meilleurs vins de Saint-Émilion. Barbara Banke et ses trois enfants Katie,
Julia et Christopher reprennent le flambeau que leur mari et père leur a
transmis, en compagnie de Pierre et Monique Seillan et de leurs deux enfants,
Nicolas et Hélène. Château Lassègue est avant tout un projet familial commun,
fruit de l’alliance de deux générations.
De vieilles vignes au soleil
Précision géographique non négligeable, la région incluant le
village et les vignobles fait partie du patrimoine culturel mondial de l’Unesco.
Le village de Saint-Émilion, qui jouxte Lassègue, se situe sur la rive droite
de la Dordogne, près de Libourne. Les vignes y sont particulièrement bien
protégées du nord et exceptionnellement bien exposées sud-sud-est. Cet ensoleillement
de l’ensemble des vignes de l’aube au coucher du soleil favorise une maturité
homogène des raisins. Mais Lassègue possède d’autres atouts, en parfaite
adéquation avec la philosophie des micro-crus si chère à Pierre Seillan. En
effet, l’étude des sols à permis de relever plus d’une dizaine de sols
différents et, de fait, de pouvoir répartir les différents cépages selon les
types de sols « afin de les observer
et de les vinifier séparément et offrir ainsi des produits fins et de grande
qualité » précise Pierre Seillan. L’encépagement est constitué de 60 %
de merlot, 35 % de cabernet franc et 5 % de cabernet sauvignon. L’âge
moyen des vignes du domaine – quarante à soixante ans – en fait de vieilles
vignes qui captent mieux les messages de la terre grâce à leurs racines
profondes. Pierre Seillan ajoute : « Ces vieux ceps de vigne, qui ne produisent que quelques grappes de
raisin, offrent généreusement tous les sucs de la terre et expriment à leur
apogée l’expression des cépages de Saint-Émilion ».
Le perfectionnisme dont fait preuve Pierre Seillan ne
s’arrête pas là : l’élevage en barriques est un travail d’orfèvre, tant et
si bien qu’il sélectionne lui-même les meilleurs bois français de la méranderie
(fabrique de tonneaux) de Jess Jackson pour l’élevage des vins de Lassègue, et
contrôle les phases de séchage et de chauffe adaptées à chacun des différents
lots. Dans le chai, les barriques ne portent pas de noms de tonneliers mais des
noms de forêts ! Luxe ultime, Seillan a eu le choix entre quinze forêts différentes
et dix protocoles de chauffe exclusifs. La philosophie innovante des micro-crus
que Pierre Seillan a affinés en Californie a également influencé ses techniques
délicates d’assemblage à Lassègue. Et il est le seul vigneron qui utilise cette
pratique à Bordeaux. Cela lui permet d’isoler chaque zone et parcelle du
vignoble en fonction du type de sol et de cépage, optimisant ainsi la richesse
et la complexité du vin.
Vous l’aurez compris, Pierre est un homme de la terre et
tout doit être fait pour respecter ce qu’elle doit donner. Il faut faire
confiance à la nature et, jusqu’à présent, il ne s’est pas trompé : les
vins de Château Lassègue sont appréciés dans le monde entier grâce à
l’incroyable énergie déployée par son épouse Monique, qui se partage entre la
Sonoma Valley et Saint-Émilion, comme un oiseau. Cette superbe affaire de famille
est assurée de perdurer grâce à l’implication des enfants, bien déterminés à
prendre soin de ce joyau. Dix ans et déjà tant de transformations et de
résultats accomplis ! Souhaitons une très longue vie à cette histoire
franco-américaine.
Une longue histoire à Saint-Émilion
Au VIIIe siècle, un moine bénédictin
nommé Émilian arrive au lieu dit plateau de Pavie, où il se fait connaitre par
sa grande bonté et les miracles accomplis sur la population de la région.
Devenu ermite, il vécut dans des grottes de calcaire sous l’église monolithique
construite en son honneur. Après sa canonisation, l’église et le village prennent
son nom : Saint-Émilion.
La « Jurade », confrérie des vins de
Saint-Émilion, fut créée à la fin du XIIe siècle afin de gouverner la région et de superviser la
qualité de production des vins. Un vin de qualité recevait Le Grand Sceau de la Jurade, tandis que les vins ne remplissant pas
les critères choisis étaient détruits. Aujourd’hui encore, la Jurade garde un
rôle de confrérie autour du vin, avec pour mission de protéger l’agriculture et
la production viticole de la région. L’AOC Saint-Émilion a été établi en 1930 et
le premier classement des châteaux date de 1955 (cent ans après le classement
des médocs de 1855). Le classement a lieu à nouveau tous les dix ans, le plus
récent date de 2012.
La production viticole au Château Lassègue date, elle, au
moins du XVIIe siècle lorsque la famille Belliquet reçut
une concession de terrain du roi Louis XIV. « La Sègue », qui
signifie aussi petite forêt, était un
clin d’œil à la colline boisée à l’extrémité de la propriété des
Belliquet, située le long d’une arête.
En 1738, la propriété est acquise par Jean Taillande, qui
construit le château et donne son nom au domaine. Les bâtiments viticoles et la
résidence avec sa façade à doubles tours ont été construits dans le style
chartreuse du XVIIe siècle.
Patricia Courcoux Lepic